Décembre 2019 marque la sortie du grand sondage mené par le cabinet d’études parisien OpinionWay pour Wine Paris. Cette analyse quantitative a été conduite sur un échantillon varié de 2125 personnes de plus de 18 ans.
Que cachent ces chiffres ? Plusieurs restaurateurs nous éclairent.
Le vin a une place charnière dans l’expérience des amateurs au restaurant : 96 % des buveurs de vin en consomment aussi au restaurant et 85 % estiment que la qualité du vin joue un rôle majeur pour garantir la réussite du repas. « Il y a du vin sur toutes nos tables, au déjeuner comme au diner. La consommation de bière aux repas a énormément diminué dans nos établissements et s’est reportée sur le vin » soutient Margot Dumant, propriétaire de bistrots parisiens. Parmi les Français qui fréquentent tous types de restaurants, 88 % en commandent dans les restaurants gastronomiques, 82 % dans les bistrots de quartier et 80 % dans les chaînes de restauration, signe que la consommation serait fonction du raffinement de la cuisine.
Un besoin de conseil plus présent que jamais
Malgré tout, un résultat de l’étude interpelle particulièrement : il arrive à plus d’un quart des interrogés de ne pas prendre de vin faute de savoir lequel choisir. Ce chiffre dépasse 36 % pour les clients de moins de 45 ans, qui attendent plus de conseils sur le vin et les accords. « J’ai structuré mes équipes autour de la vente de vin. Nos cinq sommeliers connaissent la cave, la carte et savent parler des vins. Ils voyagent au moins deux fois par mois dans le vignoble. Nous ne pouvons vendre et parler des vins sans avoir rencontré les vignerons. La transmission, l’amour du vin et des producteurs sont essentiels. Le sommelier est un passeur d’histoire, c’est un métier qui requière une humilité extraordinaire » commente Benoît Duval-Arnould propriétaire du bistrot de quartier Le Bon Georges, Paris 9e.Le conseil, la transmission des connaissances et la formation du personnel restent des éléments clés dans le choix de consommer du vin au restaurant, valorisés par 86 % des consommateurs. Le vin demeure un produit d’égo, qui impressionne et peut mettre mal à l’aise les novices. « La carte des vins fait toujours peur, personne ne veut l’avoir », remarque Guillaume Muller, propriétaire du restaurant gastronomique Garance, situé dans le 7e arrondissement de Paris.
Un marché très sensible aux prix
Le marché est aussi extrêmement sensible au prix, le premier critère d’achat (88 %) devant la région de production (87 %). Les sentiments sur les prix varient selon le type de restaurant puisque 75 % des Français estiment que ceux pratiqués par les enseignes gastronomiques sont trop élevés contre 16 % pour les chaînes de restauration et 14 % pour les bistrots de quartier. Dans un restaurant gastronomique, le prix moyen dépensé pour une bouteille est de 31,50 euros, mais un quart des consommateurs dépense au-delà de 35 € (26 %) et 11 % plus de 50 €. Les Parisiens sont moins sensibles au prix ; leur dépense moyenne pour une bouteille est de 39,60 euros la bouteille dans un établissement gastronomique soit 10 euros de plus qu’en Bourgogne–Franche-Comté (29,50 €) et qu’en Occitanie (29,40 €). « Au-delà de 40 euros, les gens commencent à réfléchir, les bouteilles les plus populaires sont autour de 35 euros, s’ils cherchent un vin peu cher ils choisissent le pichet à 15 euros les 45 cl », note Margot Dumant. Cela va de pair avec le fait que certaines cartes de la capitale ne proposent pas d’entrée de prix, entamant les festivités à partir d’une cinquantaine d’euros le flacon, rendant le vin inaccessible aux bourses moins fournies. La tendance est malgré tout à la baisse des marges, encouragée par l’ubiquité qu’offre internet aux amateurs ; « La technologie fait que le consommateur peut connaitre le prix du vin facilement. Nous sommes à nu devant le client, il n’y a plus place pour la tricherie », s’enthousiasme Guillaume Muller dont les premiers prix de son restaurant gastronomique tournent autour d’une vingtaine d’euros la bouteille. Dans les bistrots de quartier ou les chaînes, le prix moyen de la bouteille diminue nettement, à respectivement 19,60 euros et 18,90 euros. « Les coefficients trop importants desservent la vente de vins en France. Nos structures de coût font que nous réalisons notre marge sur le vin, mais quand nous sommes raisonnables sur ses prix, les gens consomment beaucoup plus. Le vin doit être bu, cela ne sert à rien d’accumuler les bouteilles », explique Benoit Duval-Arnoult.
Boire moins, mais mieux
Si 64 % des Français déclarent consommer moins de vin qu’il y a quelques années, 72 % jugent les vins proposés au restaurant de meilleure qualité. « Il y a plus de jeunes spécialisés dans le vin, qui n’ont pas connu la période où l’on achetait tout à un même distributeur. C’était un travail de financier et maintenant c’est plus un travail de passionné. Les domaines familiaux et les rapports humains sont remis au-devant de la scène », commente Guillaume Muller. « Les petits producteurs sont plus présents, et l’offre s’est diversifiée par rapport à avant, où on retrouvait plus régulièrement les mêmes références partout. Les cartes étaient très similaires » appuie Margot Dumant. Le fameux « boire moins, mais mieux » accroché à toutes les lèvres, encourage la consommation au verre qui progresse de concert avec la diversité de l’offre. Ainsi, 32 % des consommateurs préfèrent commander au verre plutôt qu’en bouteille (50 %) ou en pichet (17 %) surtout les femmes (37 %) et les moins de 35 ans (35 %). « Le verre est un superbe vecteur de découverte. Nous essayons d’avoir une dynamique renouvelée, avec des pépites que nous voulons mettre en avant et des thématiques », illustre Benoît Duval-Arnould. Les raisons avancées, outre la modération, sont les possibilités d’accords mets-vins qu’offre le service au verre pour 27 % des consommateurs interrogés. Là aussi, les prix moyens varient selon le type d’établissement, évoluant entre 7,80 euros en moyenne pour un établissement gastronomique (9,10 euros à Paris), 5,40 euros dans un restaurant de quartier et 5,10 euros dans une chaîne de restauration. « Certains vins au verre coûtent 12 ou même 14 euros, mais, quand ceux-ci sont produits sur un terroir d’exception, par un bon vigneron dont l’histoire est présentée par quelqu’un qui connait son sujet et qu’ils sont servis généreusement dans de beaux verres, l’approche est différente. On défend un territoire et il faut pouvoir expliquer pourquoi, finalement, le consommateur en a plus pour son argent que s’il prenait un ballon d’un vin en cubi à 5 euros issu de la pire production » estime Benoît Duval-Arnould. Le vin est alors consommé majoritairement au moment du plat (70 %), et c’est l’apéritif qui arrive en second (28 %) suivi du fromage (27 %). Le moment de l’apéritif semble progresser, 51 % des Français déclarent boire plus de vin à l’apéritif qu’il y a quelques années. Ce phénomène est poussé par une clientèle plus jeune qui privilégie les moments de consommation en dehors des repas.
Curiosité, consommation locavore et bio : trois inclinaisons marquées
Plus généralement, la consommation s’oriente vers le locavore ; 83 % des buveurs de vin aiment consommer les crus locaux, particulièrement au sein des grandes régions viticoles comme la Bourgogne–Franche-Comté (91 %) ou encore d’Occitanie (92 %). Cela n’est d’ailleurs pas incompatible avec un désir de découverte (79 %), particulièrement au sein de sa région. La curiosité guide les consommateurs des régions non productrices, à l’image des Parisiens, qui s’orientent vers le Val de Loire (23 %) suivi ex aequo par la Bourgogne et la vallée du Rhône (19 %), talonnées de près par le Bordelais et l’Alsace (14 % tous les deux). « Nous avons une très forte demande pour les côtes-du-rhône, des vins équilibrés et avec du corps. Certains clients ont été un peu déçus par des bourgognes, plus chers, et malheureusement, le bordeaux est toujours un peu boycotté dans nos bistrots » observe Margot Dumant. Les tendances semblent s’inverser pour la clientèle moins sensible aux prix du restaurant gastronomique de Guillaume Muller ; « Le bourgogne se détache chez moi, peut-être car j’ai eu des allocations très tôt, les gens se les arrachent. Il y a beaucoup d’appellations fortes en Bourgogne que les clients aiment et qui les rassurent, avec un ticket moyen élevé. Bordeaux commence aussi à remonter ». L’attrait pour les vins biologiques et biodynamiques est aussi très marqué, bien que l’offre semble rester insuffisante pour 82 % des consommateurs — 86 % des Parisiens et 87 % des habitants de la Loire le déplorent particulièrement. Ils sont friands de conseils et de clarifications sur les labels certificateurs (69 %) et jugent ne pas être assez aiguillés vers ce type de vins. Plus que jamais, la restauration a besoin de renforcer la formation vinicole de son personnel de service pour assurer une expérience réussie à ses convives.