L’intérêt est vif, et les vignerons corses sont plus motivés — et soudés — que jamais. L’effort collectif effectué ces vingt dernières années fait que les crus sont désormais reconnus pour leur qualité, leur charme unique encouragé par la réappropriation du patrimoine de cépages endémiques à disposition, et la forte proportion du vignoble certifié bio, trois fois plus élevée que la moyenne du continent. Les prescripteurs — sommeliers, journalistes, acheteurs — les reconnaissent déjà, même si un travail plus profond reste à mener auprès du grand public. « Quand on voit que la moitié des restaurants de New York ont une référence corse à leur carte, tout comme les grands restaurants parisiens, on se rend compte du chemin parcouru » s’enthousiasme le vigneron de Patrimonio Henri Orenga de Gaffory. Les 110 vignerons et les 4 caves coopératives de l’île de beauté (qui produisent 14,3 millions de bouteilles par an) ont su joindre leurs forces pour gagner. Le succès est la conséquence de cette cohésion compacte des acteurs, qui parlent d’une voix commune en faveur du vignoble insulaire ; « l’esprit d’équipe est très ancien. Cela fait 40 ans que les vignerons ont décidé de s’unir pour exister. La filière a compris que c’est par le collectif que nous allions nous développer » relate Caroline Franchi, directrice de communication du Conseil Interprofessionnel des Vins de Corse. À l’esprit communautaire fort se couple une liberté de ton absolue. Au-delà de la mentalité, plusieurs axes de développement se sont succédé. La redécouverte des cépages anciens a rendu à l’île son goût originel. Aux quatre cépages principaux (nielluciu, vermentinu, sciaccarellu et muscat à petits grains) présents au sein des 9 appellations de l’île, s’ajoute une trentaine de cépages endémiques. « C’est le plus ancien des Nouveaux Mondes, car nous avons une approche très exotique grâce à nos vieux cépages, et à la fois nous sommes très Français dans notre rapport au terroir », remarque Nicolas Stromboni, propriétaire de la plus grande cave de Corse, « Le chemin des vignobles » à Ajaccio, avant de poursuivre ; « nous avons été coupés de notre histoire pendant 100 ans. Quand il a une telle rupture de tradition, cela offre le droit de tout oser ». Émancipés de tous codes, les vignerons corses ont adopté différents types de contenants de vinification et d’élevage, toutes tailles et matières confondues pour expérimenter divers profils de vins. La viticulture biologique est aussi un axe majeur. Quand le continent comptabilise 8 % de son vignoble certifié en bio, celui de corse atteint 21 % et l’appellation Patrimonio culmine à 80 % de certifications. Cet effort qualitatif s’est accompagné d’un effort de communication de la part du comité interprofessionnel qui démontre que la Corse est aussi un fantastique terroir de créativité. La participation aux actions collectives depuis une paire de décennies (Concours Général Agricole, Vinexpo, Wine Paris) porte ses fruits et permet de faire connaître le vignoble. « Nos produits sont exceptionnels et véhiculent une image positive. Les gens sont là pour montrer la qualité des vins », insiste Henri Orenga de Gaffory. Une promotion locale, nationale et internationale, a permis un développement rythmé. Les exportations de vins corses ont augmenté de 21 % en 2018 et ceux-ci sont désormais commercialisés dans 63 pays, avec comme marchés principaux l’Allemagne, la Belgique et les États-Unis. Ce succès est un modèle pour l’île de beauté ; « Quand les Corses parlent de réussite, c’est la filière viticole qu’ils mentionnent », conclut Henri Orenga De Gaffory.